![]() |
![]() |
| Colloque 2000 | Interventions | Programme du 29 & 30 |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Colloque 2000 intervention de Vincent Meyer | ![]() |
|
La sociotique : enjeux et limites d'une cyberintervention
sociale
Vincent Meyer* Préambule Mon principal terrain d'étude est celui du travail de manifestation (des compétences) de divers engagements professionnels et bénévoles comme équipement indispensable de toute professionnalité dans le social. Je me suis intéressé notamment au pourquoi et pour quoi communiquer dans le social. Ceci dans le champ médiatique " traditionnel " celui de la presse, de la radio, de la télévision sans toutefois perdre de vue l'irruption dans ce dernier des TIC consacrées " nouveaux médias ". D'où un questionnement spécifique : Comprendre la contribution des différentes professions du social à la production de médias en ligne et saisir l'influence des développements technologiques sur les professionnalités dans le social. À ce titre on ne peut que saluer l'initiative de l'ITS de Caluire et de l'IRTESS de Dijon ; une des premières du genre. Anecdotes sur le terme " Sociotique " Dans mes travaux, j'ai essayé d'imaginer les développements
d'un social work qui deviendrait progressivement inséparable d'un social
network dans une société définitivement " conquise
par la communication ", selon l'expression de Bernard Miège (1997)
: Je ne suis pas allé aussi loin que les exemples cités par William J. Mitchell (1998 : 39) : " La Berkeley Community Memory et le Santa Monica PEN ont fait preuve d'une stratégie beaucoup plus radicale en installant des postes extrêmement solides dans des endroits comme les lavomatics ou les points de rassemblement pour les sans-abri. Ces installations ont commencé à jouer un rôle public comme c'était le cas pour les fontaines sur les places publiques à Rome. L'artiste Krzystztof Wodiczko a été plus loin en suggérant que les personnes sans domicile fixe portent des " éléments étrangers " électroniques ; appareils personnels les connectant dans le cyberespace et donnant ainsi une représentation publique pour informer la population sur leur identité et leur origine. Ce sont des assistants digitaux publics, plutôt que des personnels ".
Sans refaire une anthropologie des formes et intentions de communication, on peut avancer que les outils de communication, qu'il s'agisse des médias traditionnels, des réseaux informatiques sont le fruit d'une longue évolution qui les a toujours placés au cur des principaux enjeux et développements des sociétés humaines. Actuellement, la maîtrise et le contrôle de l'information et des communications sont devenus un enjeu (géo)politique majeur. Ainsi, les TIC (comme communication instrumentale) font partie d'un processus de modernisation irréversible de toutes les formes d'organisation et correspondent à une plus grande ouverture (recherche de transparence) de ces dernières (entreprises, administrations, services ) vers leurs employés, clients et/ou usagers. Il est courant d'affirmer que la nature même des modalités d'échanges personnels et professionnels dans les organisations comme d'ailleurs la nature des loisirs et plus largement les notions de temps et d'espace qui leur sont traditionnellement liées vont être bouleversées par le développement des TIC . Pour d'aucuns, les organisations qui ne " réorganiseront " pas rapidement leurs systèmes d'information sont - purement et simplement - menacées de disparition. Cette évolution touche aussi ce qu'il est convenu d'appeler le " tertiaire relationnel ". Il reste cependant à mesurer les écarts entre le discours d'accompagnement euphorisant ou déstabilisant sur l'évolution et l'effet des TIC et les possibilités d'adapter ces différentes évolutions dans le champ professionnel du social. D'autant que cette évolution en rencontre une autre, celle des mutations du travail social en général et certaines dynamiques de transformation des emplois et des qualifications des professions de l'intervention sociale en particulier. 2. L'impératif communicationnel dans le social 2.1. Les dynamiques de ce champ professionnel Disons-le tout " net ", aujourd'hui, dans ce champ professionnel, aucune position n'est fixée par essence. Dans la " nébuleuse opaque " du social, il faut bien constater que les modes d'exercice (assistance, aide, accueil, accompagnement, suivi, médiation, animation ) se multiplient et que, pour faire mienne une réflexion de Jacques Lagroye (1997 : 17), la frontière qui les sépare est résolument indécise mais empiriquement négociable. Indécise parce qu'elle est dressée par de plus en plus d'agents autant par les travailleurs ou intervenants sociaux, les décideurs et financeurs du social, par les dirigeants et bénévoles associatifs, les experts (au premier rang desquels les chercheurs), par les ayants droit ou usagers de moins en moins " prédéfinissables " selon l'expression de Jacques Ion. Mais aussi par des groupes professionnels extérieurs tels les médias, les grandes entreprises qui proposent non seulement des descriptions et des interprétations de différents modes d'exercice mais proposent également des pratiques isomorphes à celles des professions établies. Négociable parce qu'au sein des grands débats comme l'exclusion, la grande pauvreté, l'enfance en danger, les handicaps et déviances... les significations prêtées aux différents modes d'exercice par ceux qui les mettent en uvre, ceux qui les décrivent, ceux qui les évaluent et ceux qui ont intérêt à les manifester dans l'espace public, ne sont pas fixées une fois pour toutes. Les tentatives d'imposition des " bonnes définitions " et " bonnes délimitations " des compétences pour les légitimer ou justifier d'autres orientations sont en passe de devenir de véritables enjeux. La construction des différentes formes d'intervention sociale actuelles se caractérise donc par une redéfinition et une redistribution des questions ou causes sociales et des compétences pour y intervenir. Les rhétoriques de légitimation du social se centrent dès lors sur la nécessité, sinon d'un retour, tout du moins d'un développement de toutes les formes de solidarité ou de socialité. On s'accorde ainsi sur cette " capacité spontanée " d'agents non qualifiés ou sans certification dans le social à agir collectivement et volontairement dans une logique d'" utilité sociale ". Dans cette optique, l'intervenant social n'est plus exclusivement celui qui détient un savoir-faire labellisé par un diplôme, une compétence et/ou un équipement technique lui permettant d'exercer un emploi rémunéré, reconnu utile socialement, mais aussi celui, qui au nom d'une éthique personnelle et/ou civique, agit et " emploie " volontairement son temps à des degrés divers d'intéressement ou de don de soi. Dans ce contexte de grande plasticité et porosité, les manifestations des conduites et des pratiques d'intervention sociale et plus particulièrement celles des différentes rhétoriques de légitimation sont aujourd'hui devenues centrales. Les outils de communication deviennent dès lors un équipement de reconnaissance par le corps social de l'utilité de l'intervention et une mesure de sa grandeur (au sens de Luc Boltanski, 2000). Pour aller vite, c'est l'agrégation du faire, du savoir-faire et du faire savoir ce que l'on fait. La capacité à communiquer ou à communiquer mieux commence donc à s'imposer aux différents agents. Ce nouvel appel à transformation dans le champ de l'intervention sociale passe par le "savoir montrer ses compétences " et savoir utiliser les médias.
Les expérimentations sont en train de se faire. Une chose est sûre, il est encore trop tôt pour saisir et conceptualiser ces différents bouleversements. On sait par expérience dans le social à quel point certaines restructurations peuvent démobiliser ses travailleurs. Les changements ne toucheront pas uniquement l'environnement technologique, économique et juridique ; ils affecteront une nouvelle fois les emplois et qualifications, plus même, les méthodes de travail et l'organisation générale de ce dernier. Il est aussi important de souligner que ce sont les conditions (d'aucuns diraient le rythme) d'appropriation des nouveaux objets et usages techniques par les professionnels ou usagers - autrement dit, ce qu'ils vont en faire - qui vont déterminer celles de la diffusion et de la pénétration de la technologie dans ce champ. Donc pas de déterminisme technologique même si les objets techniques (comme outils de prise en charge et/ou de médiation) ont toujours fasciné les professionnels du social. En l'absence de thèses restent donc les hypothèses. Hypothèses qui posent d'emblée les enjeux et les limites de l'introduction des TIC. Première hypothèse : Seconde hypothèse : Troisième hypothèse 3. Trois applications (d'ores et déjà) possibles de la sociotique Il ne s'agit là, bien évidemment, que de projections. Tous ces éléments d'un social en ligne et en réseau (d'une cyberintervention sociale) sont encore peu définis et structurés. 3.1. Une nouvelle communication interne et partenariale Amélioration de la communication interne par la mise
en réseau des différents services intra et inter-établissement.
Au-delà de l'hypothétique amélioration de l'efficacité
collective ceci tend surtout à : 3.2. Un outil pour la prise en charge Ceci va de l'utilisation des nouvelles techniques éducatives (NTE) pour établir ou renforcer une action éducative (e.g. l'accès facilité au TIC pour les personnes handicapées me semble être une priorité ; le multimédia ludo-éducatif n'en est qu'à ses débuts) au suivi des relations avec les usagers. Les TIC peuvent aussi devenir un soutien important aux fonctions généralistes notamment dans une logique de simplification administrative (remplir des demandes, des formulaires à distance ou concevoir une téléprocédure entièrement électronique). Le nouveau modèle productif qu'appelle le travail à distance (en réseau ou coopératif, participation directe ou indirecte) ne manquera pas d'intéresser les nouveaux opérateurs du social ! 3.3 . Une vitrine pour la valorisation des compétences professionnelles L'utilisation des TIC permettra aussi de dépasser les
écrits informatifs ou l'audiovisuel institutionnel (dépliants,
brochures, films) autrement dit les supports traditionnels de la communication
externe. Mais les applications peuvent être multiples : 4. Deux priorités : la recherche et la formation 4.1. La recherche Introduire ainsi les techniques de la communication instrumentale, implique une réflexion approfondie sur les liens étroits qui les lient au changement (du) social et plus largement sur l'interopérabilité entre les systèmes humains et non-humains. Cette réflexion exige - avant l'apparition de créateurs de " start-up " à vocation sociale - des recherches sur les applications et expérimentations pour présenter les outils, leurs utilisations et tirer tous les enseignements des "mises en application" réalisées à travers le champ. Les recherches sur les pratiques " internettiques " dans le social sont encore trop peu nombreuses. Nous commençons à travailler sur ce sujet au Centre de Recherche sur les Médias de l'Université de Metz ; des collaborations ou partenariats sont envisageables. La dimension de recherche (voire de recherche-action) sur les expérimentations ne fait que débuter ; les participants à ce colloque - en tant que pionniers (ou explorateurs) du cyberespace social - ne devront pas hésiter à s'engager dans cette voie. Nous pourrions initier, pour cette recherche, la création d'un cercle d'échange d'expérience entre praticiens qui confrontent leurs méthodes de travail, proposent des démarches novatrices et entendent dynamiser le travail de manifestation publique de leurs compétences. 4.2. Les formations La formation et l'adaptation (ou l'adaptation par la formation)
des différents personnels doivent être une des priorités
pour éviter : Par ailleurs se pose le problème de la mise à jour des différentes informations et au-delà, l'évolution fonctionnelle des sites. Une question se pose ainsi : ces missions doivent-elles incomber à des personnels spécifiquement en charge de la communication dans les établissements et services ? (des informaticiens, des développeurs d'application des documentalistes, des agents administratifs, des chargés de communication) ou si elles concernent l'ensemble des intervenants ou travailleurs sociaux ? Une initiative (à consolider) du dépt SRC de l'IUT A Nancy-Verdun " Nouvelles Technologies et Interventions Sociales : applications institutionnelles, éducatives et pédagogiques, mise en réseau des services ". Ce programme, en cours d'élaboration, s'adresse à tous les professionnels (encadrement et équipes pluridisciplinaires) des établissements et services sociaux, médico-sociaux et médico-éducatifs, centres sociaux. Il comprend actuellement trois stages : Bibliographie LAGROYE, J. (1997) " La production de la solidarité " in Produire les solidarités. La part des associations, document de la Mission Recherche du Ministère de l'emploi et de la solidarité avec la collaboration de la Fondation de France, pp. 14-24, à paraître. MITCHELL, W.J. (1998) " Villes numériques " in Société (59), pp. 33-40. TRONC J.N. (1999) " L'administration et les technologies de l'information et de la communication " in Nouvelles Technologies, nouvel État, La Documentation Française, pp.151-160.
- " Die Prominente und das Elend ", revue de l'IGFH (Internationale Gesellschaft für erzieherische Hilfen section allemande de la Fédération Internationale des Communautés Éducatives), Frankfurt am Main ; - " Trois leçons de sociologie - À propos de la venue de H.S. Becker et E. Freidson à l'Université de Metz " (avec B. Etienne), La Lettre de l'ASES (27), septembre 1999 ; - " Encadrement et expertise " (avec M. Legrand et
F. Zanferrari) in Les Mutations du travail social, (J.N. Chopart, dir.), Dunod,
2000. - " Noël de Joie : la solidarité là où il faut, dès qu'il le faut ", Organisations, médias et médiations (J. Walter et M. Paul-Cavallier, dir.), Paris, L'Harmattan, 2000, sous presse. - " Medien und Sozialarbeit : Eine berufsbedingte Ästhetik
für ein besseres berufliches Engagement ", revue du KinderZentrum
Graz (Autriche), à paraître - Interventions sociales et médias, Paris, L'Harmattan, à paraître. |
|||